Le Petit Cormier à Montigny :
LES PEINTRES SINGULIERS D’ESSAOUIRA

Jean Vieillart de la galerie Le Petit Cormier à Montigny, nous fait partager sa collection personnelle sur les Peintres Singuliers d'Essaouira.

Photos :
P. Songeux

Le Petit Cormier de Montigny-sur-Loing  nous présente une exposition sur les Peintres Singuliers d’Essaouira, extrêmement rare puisque ce n’est que la troisième en France. Celle-ci sera visible jusqu’au 8 décembre.

Les artistes singuliers d'Essaouira sont des peintres et sculpteurs marocains. Ils sont une douzaine dont une femme, tous autodidactes. On retrouve chez eux, une influence marquée africaine due à une immigration venue du Soudan. A l'image de Mohamed Tabal, figure de proue du mouvement, ces artistes sont avant tout des artisans et ouvriers qui s'inspirent de leur quotidien mais également de légendes locales traditionnelles ou religieuses.
Considérée comme une école à part dans l'histoire de la peinture contemporaine, celle d'Essaouira, au Maroc, doit son émergence et son rayonnement à un habitant de la région, d'origine Danoise, Fréderic Damgaard, reconnu pour ses nombreuses recherches sur les relations entre l'art de ces artistes, les traditions populaires de la région et les tribus locales.
Fréderic Damgaard est né en 1937 à Svendborg au Danemark. A 20 ans, il vient en France où il fait ses études en Histoire de l'Art à la Sorbonne et à l'École du Louvre. A la suite de nombreux séjours et voyages d'études à travers les pays arabes, il ouvre à Paris et à Nice des galeries d'art présentant des objets d'art orientaliste et objets anciens du monde musulman. En 1987, il finit par s’installer définitivement à Essaouira au Maroc où il ouvre une galerie d'art pour promouvoir les artistes marocains de cette région et découvre de nombreux et nouveaux talents. Pour des raisons de santé, il vend la galerie en 2006 avec ses œuvres en s’assurant de sa pérennité et se retire à Agadir.

Mohamed Tabal

Parmi tous les artistes souiris, Tabal est celui qui incarne le mieux la spécificité de la culture gnaoui. C’est un noir profondément enraciné par son origine et son lieu de vie dans la culture soudanaise des Gnaoua. Il est né en 1959 à Hanchane, une petite ville située entre le pays des Haha berbérophones et celui des Chiadma arabophones.
Comme son père, il parcourait à dos d’âne les chemins, avec pour seul compagnon son instrument de musique, le tambour (tabal). Initié aux rites de possession, il fut par la suite intégré au culte des Gnaoua citadins.
Un jour, il reçut le don de la peinture et une nouvelle vie commença pour lui. Considéré comme « le peintre de l’errance et de la transe », ses tableaux relatent souvent les « lila », ces nuits rituelles  des Gnaoua, durant lesquelles les participants dansent au rythme effréné des tambours et des crotales, pour finir par entrer en transe, abandonnant leur corps à l’emprise des puissances surnaturelles. La peinture de Tabal porte fortement l’empreinte de cet imaginaire gnaoui, où tout est gouverné par les esprits et le sacré.
Si sa peinture épouse le rythme de la musique gnaoui, elle se fait aussi parfois plus narrative et représente, à la manière d’un conteur, des scènes de fêtes traditionnelles. Ces fresques se construisent habituellement autour d’un thème central, qui génère d’autres motifs, d’autres histoires, multipliant le nombre de lectures possibles.
Ses dernières créations sont de couleurs plus vives. Il réalise aussi des sculptures peintes, faites d’armatures de bois, de collages de contreplaqué, d’isorel et de carton. Ce sont généralement des représentations humaines ou zoomorphes d’une grande diversité et non dépourvues d’humour.
Sa peinture peut être dure et choquante. Il crie sa vérité, son histoire et celle de ses ancêtres esclaves venus d’Afrique. Dans la violence de des œuvres s’exprime toute la force brute et primitive de l’art africain. Tabal est un artiste totalement libre, qui travaille hors de toute influence et de toute contrainte. Son extraordinaire pouvoir de création en fait aujourd’hui l’une des figures de proue de l’art Souiri et probablement l’un des ses représentants les plus célèbres et les plus appréciés.

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Saïd Ouarzaz

Saïd Ouarzaz est né en 1965 dans les environs d’Essaouira. Cultivateur par tradition il a aussi exercé le métier de maçon. Après avoir commencé par la sculpture, il est très vite passé à la peinture. Ses premières tentatives ne furent pas vraiment convaincantes et ses œuvres furent d’abord refusées. Il persévéra cependant jusqu’au jour où une sorte de déclic se produisit. Il se met alors à peindre intensément avec fougue et enthousiasme des œuvres surprenantes qui diffèrent totalement de celles que l’on a l’habitude de voir à Essaouira.
Saïd Ouarzaz se révèle subitement comme l’une des figures les plus intéressantes et les plus surprenantes de cette pléiade d’artistes singuliers. Ce qui fait sa singularité, c’est incontestablement un style proche de l’abstraction, d’une fulgurante gestualité, qui le rapproche de certains grands maîtres de l’abstraction américaine.
Il trace ses idées immédiatement et directement sur la toile, sans aucune esquisse préalable. Ses coups de pinceaux nerveux, ses touches appliquées avec rapidité et sans préméditation composent des surfaces apparemment chaotiques, où les coulées de peinture, les surcharges de couleurs et les turbulences des signes ne laissent aucun vide. Une surface que l’artiste s’approprie avec rage et détermination. Des animaux et des personnages se cachent et se dérobent pourtant au regard. Si l’on contemple attentivement la toile, l’on voit finalement surgir des oiseaux, des figures humaines et tout un étrange bestiaire grouillant d’êtres surnaturels. Les tableaux sont comme habités.
Ce qui frappe surtout chez Ouarzaz, c’est cette immédiateté, cette force créatrice qui le pousse à terminer ses toiles en une seule journée, ne s’arrêtant qu’une fois l’œuvre achevée. Cette rage et cette obstination ne s’exercent pas qu’en peinture, mais depuis quelques années également en sculpture. Les objets ainsi créés sont des sculptures souvent hybrides, qui se transforment soit en animaux, chèvre, chien, poisson, oiseau ou tortue, soit en meubles, bureau, porte-manteau, bahut, soit encore en personnage ou en totem. Avec Ourzaz, la peinture tout autant que la sculpture ne sont plus confinées au rôle de représentation, mais deviennent partie intégrante de la vie quotidienne.

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Regragui Bouslai

Originaire de la tribu Chiadma, qui occupe le territoire au nord d’Essaouira, Regragui Bouslai est né en 1963 au sein d’une famille « khoudam », c'est-à-dire placée sous la protection et au service de la confrérie des  Regraga. Il a donc vécu dans ce milieu de forte tradition orale et s’est nourri de ces fêtes religieuses et des ces rites de passages qui dans ces confréries jalonnent l’existence de chacun de la vie à la mort. Son inspiration et des couleurs, il les trouve aussi dans les paysages de la vaste plaine atlantique où il vit.
Deux styles bien distincts se reconnaissent dans sa peinture. Dans un premier groupe d’œuvres, Bouslai peint d’abord sur la toile un fond monochrome, généralement d’un jaune éclatant, puis i y superpose une foule d’animaux de couleurs vives, qui s’imbriquent harmonieusement les uns dans les autres et s’associent comme les éléments constitutifs et les motifs à répétition d’une fresque savamment ordonnée.
Dans une autre catégorie d’œuvres, Bouslai se révèle plus mystique et plus habité. Il peint des personnages chamaniques et des animaux fabuleux qui se serrent et se bousculent jusqu’à envahir tout le champ de la toile. Les têtes, humaines et animales, s’imposent comme des masques dont les regards vides et interrogateurs exercent sur le spectateur un pouvoir magique.

Exposition visible jusqu'au 8 décembre, en novembre du mercredi au dimanche (10h-12h30 et 14h30-18h30) et 7 jours sur 7 en décembre (10h-12h30 et 14h30-18h30) 

Le Petit Cormier, 2 ruelle des Cormiers à Montigny-sur-Loing.
Tél. 01 64 78 27 49.

 

Les Peintres Singuliers d’Essaouira à Montigny

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